L'Association nationale des directeurs de ressources humaines des territoires (ANDRHT) souhaite verser son expertise au débat sur la réforme de la fonction publique territoriale. Lors de son 27e colloque national à Nantes (20-21 septembre), les DRH, conscients que l'emploi à vie n'existe plus, ont envisagé une vingtaine de pistes de travail... parfois iconoclastes.
Bénédicte Rallu
Confrontés à un véritable « choc des temps », les DRH des territoires veulent anticiper et verser leur expertise au débat sur la réforme de la fonction publique territoriale. Et se montrer « innovants ». Car ils s’attendent dans les prochaines années à une « révolution » profonde de la FPT, en écho au changement qui s’opère déjà dans la société.
Le management bousculé
« Dans les dix ans à venir, 30 % des cadres partiront à la retraite », a rappelé en ouverture du 27e colloque national (20-21 septembre) de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines des territoires (ANDRHDT), Patrick Corroyer, DRH de Nantes et Nantes Métropole, également président de l’association. Les jeunes générations ne s’imaginent plus mener toute une carrière dans la même collectivité, ni même dans la fonction publique. Elles veulent davantage concilier vie professionnelle et vie personnelle. Elles se montrent exigeantes vis-à-vis des employeurs, des conditions de travail, de leur environnement…
Des problématiques qui bousculent le management des collectivités, alors que les difficultés de recrutement vont croissantes.
Rentabilité, employabilité et usure programmée
Pour mieux appréhender ce changement, l’ANDRHDT a voulu un colloque prospectif. Les 94 participants ont imaginé des pistes de réformes à mener.
Quatre ateliers « post-it », de chacun deux heures, ont été consacrés à la réflexion sur des thématiques peu courantes, voire polémiques, pour la FPT : maintien d’une rentabilité et d’une motivation constante dans l’exécution de l’action publique, mutabilité statutaire, usure programmée des agents, emploi à vie versus employabilité. Des sujets qui ont permis de revisiter les ressources humaines territoriales.
« Fluidifier à tous les étages »
Une vingtaine de propositions ont émergé. Par exemple, face à un statut souvent « bloquant », les DRH ont fait « l’éloge de la porosité », et voulu « fluidifier à tous les étages ».
Traduction : il devient urgent de revoir les parcours professionnels à travers le prisme de l’employabilité des agents, de faciliter les entrées et les sorties de la fonction publique pour avoir des systèmes qui permettent l’échange, en mettant en place parcours adaptés de formation.
CNFPT : l’indispensable rénovation
Une très grande majorité des participants a réclamé une « profonde rénovation » du Centre national de la fonction publique territoriale. Le CNFPT a été jugé « trop vertical ».
Or, pour que les agents puissent changer de métier, le CNFPT devrait davantage répondre « au besoin d’horizontalité » qui se fait sentir dans les collectivités. Les DRH des territoires souhaitent davantage de formations professionnalisantes.
Pour des « Medef régionaux »
Ils veulent s’affranchir des barrières public/privé en créant davantage d’échanges avec tous les employeurs présents sur un même bassin d’emploi. Jusqu’à souhaiter la mise en place de « Medef régionaux », une sorte de collège employeurs articulé avec les entreprises, qui permettrait d’ouvrir les carrières au-delà de la FPT.
La réflexion autour du bassin d’emplois avance petit à petit dans la territoriale. A l’instar d’autres associations de professionnels de la FPT, les DRH des territoires ont aussi émis l’idée d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences adaptée à l’échelle du bassin d’emploi…
Plus de management… moins d’expertise
S’appuyer sur un nouveau modèle permettrait de développer les mobilités des agents, tout en les accompagnant. L’emploi à vie semble bel et bien fini dans la FPT.
Les DRH des territoires en sont bien conscients et cherchent aujourd’hui davantage à travailler sur l’employabilité des personnes en les préparant, dès le début de carrière, à changer de métier, en recrutant sur des compétences élargies et non plus seulement à partir de celles dont la collectivité a besoin à un instant T, en travaillant davantage sur le management et moins sur l’expertise technique.
L’association des DRH des territoires sera auditionnée à l’Assemblée nationale début octobre. Elle multipliera les contacts avec diverses instances (comme le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale) pour porter sa vision de la réforme de la fonction publique.
Les pistes de travail
Temps long contre temps court : vers une mutabilité statutaire ?
- Parcours d’employabilité : reconnaître et valoriser les parcours, l’employabilité ; tout employeur, tout environnement et même dans des métiers différents.
- Faciliter les entrées et les sorties de la fonction publique (statut, contrat, et même conventions collectives).
- Formation plus professionnalisante, accompagnement plus adapté en prenant appui sur les compétences (nécessité d’une profonde réforme du CNFPT).
- Regroupement des employeurs publics comme privés dans un bassin d’emploi qui, de l’analyse des besoins présents et à venir, permette de répondre aux exigences de parcours. Un vrai enjeu pour les centres de gestion est la construction d’un « Medef régional ».
- Partenariats entre les collectivités territoriales, l’Etat, les entreprises qui donnent corps aux besoins et aux parcours individuels.
Maintenir une rentabilité et une formation constante dans l’exécution de l’action publique
- Comprendre ce qu‘est manager (savoir dire bonjour, dire quand ça ne va pas, mais aussi quand ça va…).
- Toujours expliquer aux agents le sens, la pertinence et l’objectif de l’action à mener… Les rendre acteurs, autonomes et responsables.
- Mettre en place une GPEC adaptée au bassin d’emploi.
- Passer d’une culture de technicien à une culture de management.
- Accepter des allers-retours entre des postes d’expertises et des postes de management.
Une usure programmée des agents : comment inventer une autre vie professionnelle ?
- Création d’un observatoire des métiers et démographique par bassin d’emploi public/privé.
- Parcours professionnels sécurisés (recrutement avec des compétences élargies en ayant en tête que l’agent occupera plusieurs postes dans sa carrière, possibilité d’une carrière inter-employeurs public/privé).
- Développer chez tous une culture de la mobilité (y compris côté DRH dialoguer avec les pairs du privé).
- Ecoute des équipes de terrain qui, elles, sont au contact des populations.
- Travailler sur la marque employeur territorial pour développer l’attractivité (contact avec des universités, des grandes écoles, formation continue).
De l’emploi à vie à l’employabilité à vie, est-ce possible ?
Pour conserver l’employabilité :
- renforcer le volet humain et le relationnel ;
- abandonner ou automatiser les compétences techniques.
Pour renforcer la mobilité :
- supprimer la distinction entre contractuels et fonctionnaires, avoir une seule filière statutaire ;
- obliger la mobilité après 5 à 10 ans ;
- créer une bourse de l’emploi public intercollectivités.